Mémé, un vase d'honneur

Enfant, ce qui remplissait mon cœur de fête, c’était les repas de famille ; avec mon grand père, mes oncles et tantes et mes cousins cousines. Ils habitaient si loin de nous que nos retrouvailles me donnaient l’impression d’être vraiment à la maison.
Mais une personne particulière, effrayait quelque chose en moi.
C’était la grand mère de maman.
Ses enfants s’en occupaient très bien, mais les repas de famille demandaient toute leur attention, alors quand j’arrivais, elle était déjà assise dans son fauteuil, dans un coin de la pièce et semblait « en pause », comme une poupée qu’on aurait pas remonté.
Les adultes, ayant à ce moment, autre chose à faire que de lui porter de l’attention, semblaient la confier à notre univers d’enfants, qui ne devaient pas non plus « traîner dans leurs pattes »!
Cela me terrifiait, car son immobilisme jurait tellement avec mon envie débordante de courir partout, sauter, danser, chanter …
Je jetais de temps en temps un coup d’œil discret pour vérifier qu’elle était bien vivante.
Avec presque l’espoir que non !
Qui pouvait bien aimer vivre comme ça ?
Coincé au-dedans de lui-même ? Coincé dans un fauteuil ? Coincé dans le coin d’une pièce ?
Sur le chemin du retour, je demandais souvent à maman « ce qu’avait cette siiiiii vieille dame ». Et là,
comme pour m’effrayer un peu plus, elle me racontait combien c’était une femme extraordinaire, qui était remplie de vie, de joie qui chantait tout le temps, aimait profondément les siens et parlait avec Dieu .
Wouhaaaa ! Ça avait en moi comme l’effet d’une bombe à retardement.
Car toute ma jeune enfance je ne l’ai vue que coincée dans ce fauteuil et ça m’avait l’air bien plus long que toute la vie passionnante qu’on pouvait bien me raconter sur elle …
Je vous avoue que son image m’a longtemps fait peur de vieillir et qu’en plus, j’avais honte de le penser.
Un jour, en rentrant dans la pièce, le fauteuil avait disparu et elle aussi.
Peut-être que les autres étaient tristes, je n’ai pas osé demander. Mais moi, j’étais soulagée de la savoir courir à nouveau et chanter des louanges avec Dieu .

Aujourd’hui, à 50 ans, courant sans doute un peu moins partout et ayant moins d’énergie débordante, lorsque je croise son souvenir au fond de moi, je la vois enfin !
Elle n’était pas « presque morte», non !
Elle était juste tellement remplie, au ras bord de la vie, qu’elle ne pouvait plus bouger. Comme un nourrisson avant de naître. Elle attendait sagement la prochaine délivrance pour la vie Éternelle.
Mon petit corps pouvait encore se développer pour accueillir tout le potentiel de vie que m’offrait ce voyage.
Son corps à elle était à son comble.
Il avait TOUT vécu, TOUT contenu : les rires, les larmes, les amours. Traversé les tempêtes et des oasis de fraîcheur, tant de levés et de couchés de soleil avaient marqué son corps.

Elle était encore là et nous offrait à voir le plus beau des vases que la vie avait façonné, lors d’un passage sur terre.
Quelle grâce !

Faby

Informations

Format : 92 x 65 cm

Acrylique et technique sur toile de lin

Prix : 2210 €